Dans une seconde vision, qui suivit de pres la premiere, je vis les épreuves qui m’attendaient et je compris qu’il était de mon devoir de faire connaître autour de moi ce que Dieu m’avait révélé. Il me fut montré que mes travaux rencontreraient la plus grande opposition, que mon cour serait déchiré par l’angoisse, mais que la grâce de Dieu me soutiendrait jusqu’au bout. Cette vision me troubla profondément, car elle m’imposait le devoir d’aller annoncer la vérité en public.
Une grande crainte m’étreignait: si je répondais a l’appel du devoir, me déclarant favorisée du Tout-Puissant par des visions et par des révélations pour le peuple de Dieu, n’allais-je pas céder a une exaltation coupable, m’élever au-dessus de l’état ou je devais me tenir, et attirer ainsi sur moi le déplaisir de Dieu et perdre mon âme? J’avais a l’esprit plusieurs cas de ce genre et mon cour tremblait devant l’épreuve.
Je demandai instamment au Seigneur que si je devais aller raconter ce qu’il m’avait montré, je sois préservée de toute exaltation déplacée. L’ange me dit: “Tes prieres sont entendues et elles seront exaucées. Si le mal que tu redoutes te menace, la main de Dieu sera étendue pour te sauver. Par le moyen de l’affliction, le Seigneur t’attirera a lui et il préservera ton humilité. Annonce fidelement le message, persévere jusqu’a la fin et tu mangeras du fruit de l’arbre de vie et tu te désaltéreras a la source des eaux vives.”
A cette époque, le fanatisme s’était glissé parmi les croyants du premier message. De graves erreurs de doctrine et de conduite étaient enseignées, et certains étaient prets a condamner tous ceux qui ne voulaient pas accepter leur maniere de voir. Dans une vision, Dieu me montra ces erreurs et il m’envoya vers ses enfants égarés pour le leur dire. Mais je rencontrai dans l’accomplissement de ce devoir une vive opposition.
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Quelle dure épreuve pour moi que de dire a ceux qui étaient dans l’erreur ce que Dieu m’avait montré a leur sujet! J’étais dans une grande détresse en voyant les âmes troublées et affligées. Et lorsque je me voyais contrainte de délivrer des messages, je les adoucissais souvent, les présentant d’une maniere aussi favorable que possible a ceux auxquels ils étaient destinés. Puis je me retirais a l’écart pour pleurer, l’esprit en détresse. J’enviais ceux qui n’avaient d’autre charge que celle de leur âme, et je pensais que si j’étais a leur place je ne me plaindrais pas. Il m’était dur de répéter les témoignages tranchants que le Seigneur me donnait. Anxieusement, j’attendais le résultat et si les personnes réprouvées se rebellaient contre la réprimande pour s’opposer ensuite a la vérité, ces questions s’élevaient dans mon esprit: Ai-je présenté le message comme j’aurais du le faire? N’y aurait-il pas eu un moyen de sauver ces âmes? J’étais en proie a une telle détresse que souvent la mort m’aurait paru une messagere de bonne nouvelle et la tombe un doux lieu de repos.
Je ne mesurais pas le danger et le péché d’une telle attitude jusqu’a ce que, dans une vision, j’aie été transportée en la présence de Jésus. Le Sauveur me regarda séverement, puis il détourna de moi sa face. Il est impossible de décrire la terreur et l’angoisse que je ressentis. Je tombai la face contre terre en la présence du Seigneur, mais je n’eus pas la force d’articuler une parole. Oh! combien je souhaitais ne plus voir ce regard terrible! C’est alors que dans une certaine mesure je pus me représenter la terreur des méchants lorsqu’ils crieront “aux montagnes et aux rochers: Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colere de l’Agneau”. Apocalypse 6:16.
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Puis un ange m’invita a me relever et ce que mon regard rencontra peut a peine etre décrit. Je me trouvais en présence d’un groupe de personnes hirsutes, aux vetements en lambeaux et dont l’expression était l’image exacte du désespoir et de l’horreur. Elles s’approcherent de moi et frotterent leurs vetements aux miens. Et tandis que j’examinais ceux-ci, je vis qu’ils étaient tachés de sang. Une fois encore je tombai comme morte aux pieds de l’ange qui m’accompagnait. Je n’avais pas la moindre excuse a faire valoir et je désirais ardemment quitter ce saint lieu. L’ange me releva et me dit: “Tel n’est pas encore ton cas, mais cette scene t’a été montrée pour que tu saches quelle sera ta situation si tu négliges de déclarer aux autres ce que Dieu t’a révélé.” Cet avertissement solennel présent a l’esprit, j’allai faire connaître aux personnes intéressées les paroles de censure et d’instruction que le Seigneur me confiait.
Temoignages personnels
J’ai souvent envoyé par écrit des messages destinés a différentes personnes, ceci sur la demande expresse de beaucoup d’entre elles. A mesure que mon travail augmentait, cela devenait une partie importante et fatigante de mes occupations. Avant la publication du Témoignage 15 (1868), de nombreuses requetes pour avoir des Témoignages écrits me furent adressées par ceux que j’avais conseillés ou repris. Mais j’étais dans un état de grand épuisement, état provenant d’un labeur écrasant, et je reculai devant cette tâche d’autant plus que beaucoup de ces personnes étaient indignes et qu’il y avait peu d’espoir pour que les avertissements donnés operent un changement sensible en elles. Je fus alors grandement encouragée par ce songe:
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Une personne m’apporta une piece de tissu blanc en me priant d’y tailler des vetements pour des gens de toutes grandeurs, de tous caracteres, et de toutes conditions. Je reçus l’ordre de les tailler et de les suspendre afin qu’ils fussent prets a etre confectionnés quand le besoin s’en ferait sentir. J’avais l’impression qu’un grand nombre de ceux pour lesquels je devais tailler des vetements en étaient indignes. Je demandai si cette piece était la seule que je devais couper. On me répondit que non, mais que sitôt cette piece terminée, je devrais en tailler d’autres. Le découragement s’empara de moi en présence de la somme de travail qui m’incombait. Je déclarai que depuis plus de vingt ans que je taillais des vetements pour les autres, mon travail n’avait pas été apprécié et que je ne voyais pas quel bien il avait accompli. Je citai a la personne qui m’avait apporté le tissu le cas d’une femme, en particulier, pour laquelle elle m’avait priée de préparer un vetement. Je lui dis que cette femme ne l’apprécierait pas et que ce serait une perte de temps et de tissu que de le lui préparer. C’était une indigente, d’intelligence médiocre, négligente dans sa tenue, qui aurait vite fait de souiller ce vetement.
Il me fut répondu: “Coupe les vetements, c’est ton devoir. La perte, c’est moi qui la subis et non pas toi. Dieu ne voit pas comme l’homme voit. Il ordonne de faire le travail comme il désire qu’il soit fait, et tu ne sais pas, de ceci ou de cela, ce qui prospérera…”
Je tendis alors mes mains calleuses par le long usage des ciseaux, et j’avouai que mon courage m’abandonnait a la pensée de continuer ce travail. La personne dit a nouveau: “Coupe des vetements. L’heure de t’arreter n’est pas encore venue.”
Sous l’empire d’une grande lassitude, je me levai pour reprendre mon travail. Devant moi se trouvaient des ciseaux neufs, étincelants, dont je me servis immédiatement. Aussitôt mon impression de lassitude et d’accablement m’abandonna. Les ciseaux accomplissaient le travail presque sans effort de ma part et je coupai vetement apres vetement avec une facilité remarquable.